L’équitation sensitive

L’EQUITATION SENSITIVE, POUR ALLER PLUS LOIN

 

Ceci est la suite de la page « Choisir une selle », concernant spécifiquement la série des selles EQUITATION SENSITIVE.

 

J’ai développé  les selles de la série EQUITATION SENSITIVE à l’époque où j’avais la volonté de concilier dressage d’extérieur, longues distances, vitesse, endurance, précision équestre, avec l’essentiel, la préservation du cheval.
L’utilisation de ce matériel simple et logique m’a permis de pratiquer l’endurance pendant des années (c’était au temps où consommer 500 litres d’eau sur un cheval galopant ne montrait pas encore le signe infaillible d’une conscience écologique totalement altérée par les pétrodollars…) sur toutes les distances avec de la vitesse sans jamais avoir un cheval blessé ou médicalisé.
Le fondamental est le contact avec la selle, qui donne un excellent ressenti du cheval (locomotion, mental, métabolisme), et la verticalité, qui par la fixité, supprime les perturbations de positions inhérentes à l’équitation en tous terrains.
La vitesse n’avait pas pour but la performance, qui m’était indifférente. Elle me servait à entrer plus intimement en communication avec le cheval.

Les quelques techniques décrites plus loin ne concernent que le pas, allure facile à appréhender étant dans une temporalité de l’ordre de la seconde. En galopant 100 ou 140km, on entre dans la véritable temporalité du cheval, qui est entre un quart et un dixième de seconde.
Mais là encore, c’est une autre histoire… que je raconterai peut-être un jour si j’en ai le temps et l’envie.

 

On a vu l’intérêt pour le cheval dorsalgique ou utilisé dans une discipline à risques d’être monté avec une selle juste, donnant verticalité et fixité au cavalier. Par la seule logique de la selle, le cavalier retrouve une position préservatrice de la santé du cheval.
Il est peut-être plus judicieux de ne pas attendre les pathologies pour adopter ce genre de matériel et d’équitation.
Monter à cheval dans l’équitation sensitive est sans aucun doute curatif, mais c’est également préventif (une ostéopathe m’a dit un jour que mes chevaux n’auraient jamais besoin des services de sa profession, vue l’équitation que je pratiquais…), et source d’un plaisir intense de communication avec le cheval.
Dans tous les cas, la base matérielle est la même, et les techniques équestres qui s’y rattachent également.
Je vais en indiquer quelques unes, très simples, à la portée de tout cavalier.

Mais auparavant, je dois préciser quelques termes évoqués antérieurement.

 

L’ASSIETTE FIXE

On parle d’assiette fixe quand le bassin reste en contact permanent avec le siège de la selle, entre le périnée et les ischions. Sa position, entre rétroversion et antéversion, dépend de la géométrie du siège, qui donne une tendance générale, et des indications que le cavalier souhaite transmettre au cheval.
Chez un cavalier, considérant que le point fixe est la surface périnée-ischions, le bassin est dit en antéversion quand les hanches avancent, en rétroversion quand les hanches reculent.
Les hanches pas plus que l’assiette ne « balayent » rythmiquement le dos du cheval au gré de ses allures. La bascule  des hanches sur le point fixe de l’assiette ne change que pour demander une allure, une vitesse, une transition, dans lesquelles elle se tient jusqu’à la demande suivante.
Soit dit en passant, on voit certains cavaliers d’endurance faire des courses entièrement en suspension, où le bassin peut être fixe, mais où l’assiette est inexistante ; je n’ai jamais compris comment on pouvait volontairement se passer d’un vecteur de communication aussi précieux que l’assiette…
Sur le plan des allures, la fixité induite par la verticalité transforme immédiatement la grande amplitude horizontale de déplacement du corps du cavalier au trot enlevé en une légère amplitude verticale (avec remerciement au passage du garrot et des lombaires!), rend les notions de « galop assis » et « galop en suspension » obsolètes au profit d’un galop à position verticale jambes semi-fléchies avec l’assiette dans la selle, et rend les transitions d’allures et de directions aussi fluides que rapides.

Avec une selle ayant une capacité de transmission décente, une mobilisation de ses hanches par le cavalier limitée à une très légère contraction des muscles lombaires est parfaitement perceptible par le cheval.

 

LA MAIN FIXE

La main fixe est un des concepts les plus drôles de la littérature équestre !
On y trouve les définitions les plus exotiques…
Un manuel officiel la représentait à une époque avec un dessin de deux bras de cavaliers, rênes tendues, animés de mouvements de va-et-vient d’avant en arrière figurés par deux flèches opposées ! C’est exactement la fixité de ma main quand je scie une planche avec une égoïne ! J’imagine que pour le Galop suivant on passait à la tronçonneuse…
Mais je laisse au cavalier qui voudra rire un peu le plaisir d’aller voir de lui-même dans les livres.
Avec un peu de perspicacité, il s’apercevra vite que la définition de la main fixe dépend de ce qui est considéré comme fixe dans l’univers technico-matériel mental de l’auteur, et c’est rarement le composé siège-assiette.
De la même manière, il est toujours question de main, jamais de doigts.
Il ne faut pourtant pas beaucoup de subtilité pour s’apercevoir qu’un cheval sent les vibrations des doigts du cavalier comme il en sent les frémissements lombaires…
Une simple selle suffit.

Avec une selle conçue correctement, la définition de la main fixe est la suivante :

La main est fixe relativement à l’assiette, et les doigts sont mobiles relativement aux hanches.

Si l’on préfère,
sans assiette fixe, pas de main fixe,
les deux permettant que les doigts et les hanches se répondent par leur mobilité.

Les rênes étant tenues dans chaque main par la pression du pouce sur l’index, les doigts de la main fixe sont fixes et semi-ouverts, les demandes de la main se faisant par la variation de la semi-ouverture de l’auriculaire.

On comprend alors qu’une selle n’est pas faite seulement pour amortir les mouvements erratiques et désordonnés du cavalier, mais pour amplifier ses demandes à partir d’une position précise… et conduire d’une équitation de talons et de mains, voire de bras, à une équitation de hanches et de doigts. C’est beaucoup plus fin, plus rapide, plus efficace, et tout le monde en est bien plus reposé !

 

Revenons donc un peu en arrière.

 

PRESSION CONTINUE OU REPETITIVE

Il peut paraître paradoxal que verticalité et fixité soient remèdes à la pression continue ou répétitive sur le dos et le garrot.
C’est en fait parfaitement logique.
La pression répétitive est le fait principalement du décalage trop grand entre creux du siège et étrivière. Dans cette situation, chaque transition de vitesse, d’allure, de direction, qui fera passer le cavalier du fond du siège à un équilibre sur les étriers créera en même temps un appui de la masse totale du cavalier sur un seul point du dos du cheval.
Le cas le plus évident est le trot enlevé, où le cavalier est alternativement au dessus du garrot et contre le troussequin. Répété des milliers de fois, kilomètres après kilomètres, le résultat est facile à comprendre.
A l’époque où l’endurance se courait beaucoup au trot, j’avais fait la preuve statistique de ce phénomène chez les cavaliers de courses nationales en corrélant pourcentage d’éliminations et géométrie de la selle.
Dans mon expérience personnelle de cette discipline, mes chevaux ont connu moins d’éliminations que la moyenne, alors qu’ils n’étaient pas spécialement aptes à cette pratique (on m’a dit à propos d’un de mes chevaux qui avait gagné plusieurs courses de 90 km : « Pourtant, qu’est-ce qu’il est moche ! », et un juge-vétérinaire à la fin d’une 160 km courue à 18,4 km/h d’un autre cheval, « atypique » selon l’entraîneur national quelques années auparavant : « Normalement, un cheval comme ça ne peut pas finir ! »).

Dois-je préciser que le confort relationnel de mes selles m’a toujours permis de connaître très exactement ma vitesse sans GPS (sur piste de 400m, marge d’erreur de 2 secondes maximum…), et d’avoir une perception du métabolisme de mes chevaux suffisante -sans cardio-fréquencemêtre embarqué- pour ne jamais les avoir eu en soin à l’issue d’une course ?

Le cas de la pression continue est un peu plus subtil et demande un petit détour par le concept de cession de mâchoire.

 

LA CESSION DE MÂCHOIRE

Ce paragraphe risque de paraître un peu ésotérique pour beaucoup.
Le petit effort de compréhension qu’il demande (promis, j’essaye de faire simple!) est rendu au centuple par les bienfaits que le cheval et le cavalier en retirent.

Assiette fixe, hanches mobiles, mains fixes, doigts mobiles conduisent à la notion la plus fondamentale de toute l’équitation : la cession de mâchoire.

Elle est l’alpha et l’omega de la communication équestre et du confort relationnel.

Décrite il y a 150 ans par Baucher, abondamment utilisée par ses épigones, oubliée pendant des décennies, hors quelques franc-tireurs du monde équestre, sous le joug des antagoniques équitations sportives et néoclassiques, elle a quasiment resurgi vers l’année 2000 sous la plume brillante de Racinet, pour le plus grand bonheur des cavaliers d’extérieur dont elle est la clé vers le cheval dressé (Il y a une quinzaine d’années, j’avais initié un célèbre cavalier-voyageur-écrivain au bauchérisme lors d’un forum des Cavaliers au Long Cours avec un de mes chevaux d’endurance que j’y avais emmené pour finir de le préparer pour une nationale ; séduit par la méthode, il avait contacté Racinet -un des très rares auteurs à avoir compris quelque chose au bauchérisme depuis 50 ans- qui s’était dit « flatté d’avoir un rang d’honneur parmi les randonneurs ! »).

Aujourd’hui encore, bien qu’en plein renouveau chez de plus en plus de cavaliers alternatifs, pour la quasi totalité des cavaliers d’extérieur, le bauchérisme n’évoque pas grand-chose, et la cession de mâchoire encore moins.
Elle est d’ailleurs singulièrement absente de l’enseignement de l’équitation en général.

Je vais donc la décrire dans ce qui est « couramment » connu, et montrer le lien que mes selles entretiennent avec elle.

Une définition relativement consensuelle de la cession de mâchoire pourrait être celle-ci (en sachant que certains discutent même des mots de l’expression…) ;
La cession de mâchoire est l’ouverture de la bouche réalisée par le cheval pour lâcher le mors, en provoquant décontraction physique et mentale générale.

Quand Baucher l’a découverte, par hasard et à l’arrêt, il en fut si interloqué qu’il baptisa d’emblée « légèreté » la sensation de ne plus avoir d’appui dans les mains (avec « main fixe », « légèreté » est l’autre mot très drôle de l’équitation ; tous les auteurs, qui parfois se détestent cordialement, détiennent chacun la Vérité sur la « légèreté »…). Il a ensuite passé sa vie à essayer de rationaliser cette découverte fortuite (là, je pense que je viens de battre un record du monde: résumer le bauchérisme en deux phrases !).

De mon côté, j’ai perçu la cession de mâchoire avec mon premier cheval destiné à l’endurance quand il n’était encore qu’en débourrage, à l’époque où je concevais mes premières selles.
Ce cheval généreux et intelligent me la donnait en réponse à des demandes inappropriées (pour tout dire, j’essayais avec lui un dressage néoclassique -épaule en dedans et autres incongruités de la même usine à gaz-, et cette méthode a été la plus grande perte de temps de ma vie équestre…). J’ai commencé à le comprendre quand j’ai commencé à l’écouter et à dialoguer avec lui à travers mes selles.
La lecture des auteurs bauchéristes (pour les curieux, lire au moins Baucher, Faverot de Kerbrech, Beudant, Racinet) m’a aussi aidé à comprendre la cession de mâchoire, à la conceptualiser et à la traduire en technique de sellerie.

J’ai en effet très rapidement compris qu’il fallait la chercher par la selle (les flexions en mains -les initiés connaissent- sont pour moi sans intérêt), dont la géométrie et la structure devaient permettre au confort relationnel de transiter des postérieurs à la langue du cheval via l’assiette fixe, les hanches mobiles, les mains fixes et les doigts mobiles du cavalier.

Le point fondamental à comprendre, dont je n’expliquerai pas les raisons anatomiques et fonctionnelles ni la portée métabolique sous peine d’ennuyer mortellement les quelques cavaliers qui ont eu le courage de lire ces lignes jusqu’ici, est le suivant :

La cession de mâchoire est concomitante du poser du postérieur engagé, instant de résistance de force minimal dans la foulée, avec pour effets consécutifs fléchissement des articulations postérieures, développement musculaire de l’arrière-main jusqu’aux lombaires, extension d’encolure, tension du ligament supra-rachidien, élévation du garrot, et point qui interpellera particulièrement le cavalier au cheval dorsalgique en recherche de selle, aplatissement des trapèzes thoraciques et des dorsaux…

Et qui dit aplatissement des muscles sous la selle dit plus grande répartition de la pression, donc diminution d’autant.

Autrement dit, en enseignant à un cheval la cession de mâchoire avec une selle au confort relationnel approprié, on le met dans les dispositions les plus favorables à l’équitation d’extérieur -un dressage un peu différent des bodybuilders des rectangles officiels et des néoclassiques…-, en lui préservant le dos.
N’est-ce pas merveilleux?

Les cavaliers d’extérieurs peuvent se dire que tout ceci n’est qu’élucubrations qui ne les concernent guère.
Pas si sûr…
Outre la question du dos et de la selle, et sans parler du plaisir de l’intimité physique et mentale avec le cheval, les bénéfices de la cession de mâchoire sont permanents tant elle rend le cheval continuellement réceptif à son cavalier.
Celui qui, en promenade ou en randonnée, n’a pas eu besoin à un moment d’un cheval réactif et précis n’a probablement pas beaucoup fait de km!
Et petite anecdote pour les « endurants »: il y a une vingtaine d’années, l’entraîneur national me disait que le meilleur cheval qu’il ait connu était capable de manger en galopant…
Or, le rythme de la mastication est très exactement celui de la cession de mâchoire cadencée au galop!
Ce qui revient à dire que c’est dans cet état que le cheval est au maximum d’harmonie mental-locomotion-métabolisme.
Avoir galopé 100, 130, 150 km, avec un cheval dans cet « esprit » est une sensation qui ne s’oublie jamais.

Le Général L’Hotte, bauchériste à ses heures perdues, évoquait, au moment où le cheval donnait la fameuse « légèreté », la « sensation d’une nappe d’eau sous la selle ». L’image est assez juste et rend assez bien compte de la fluidité du phénomène, mais il faut y ajouter la sensation très claire pour le cavalier d’être traversé par la décontraction bouche-dos-postérieur le long du système doigt-main-hanche-assiette.

En équitation en général et en équitation d’extérieur et sensitive en particulier, ce qui compte pour durer sans blesser, plus que la »légèreté, c’est la fluidité et la rapidité de transmission, donc la connexion sous la selle de la flexion des postérieurs à la cession de machoire (en termes bauchéristes, « ne jamais rien demander sur des résistances »).

Et les lecteurs attentifs auront remarqué que les « s » sont tombés…

Mais avant d’expliquer cette chute singulière, encore deux petits détails, et un pluriel.

 

ON NE BÂILLONNE PAS CELUI QUE L’ON VEUT ÉCOUTER

La mâchoire qui cède est une ouverture.
Le cheval doit donc avoir les moyens matériels d’ouvrir la bouche.
Il ne doit donc avoir ni muserolle, ni aucun enrênement contraignant (pléonasme…).
En passant, il suffit de voir le nombre de cavaliers monter avec ces instruments pour voir qui connaît le phénomène !
Il est même courant d’entendre dire qu’il faut « empêcher le cheval d’ouvrir la bouche pour qu’il soit sur la main ». Pour le cavalier d’obstacle, peut-être. Au cavalier de randonnée, d’endurance et au dresseur, je souhaite bien du plaisir, ainsi qu’à leurs chevaux…
Le seul intermédiaire entre les doigts du cavalier et la langue du cheval est un mors (pour ma part, de bride, mais chacun fait comme il le sent, et le cheval a son mot à dire) et une paire de rênes en cuir lisses et fines  -on ne discute pas avec quelqu’un un manche de pioche dans chaque poing…-
Il serait probablement très utile de faire ici une digression de quelques pages sur les embouchures (en 50 ans, j’ai à peu près tout vu et entendu sur le sujet, de « n’importe quoi pourvu que ça freine » à « rien dans la bouche pour pas faire mal à Biquet » en passant par « c’est comme ça dans la méthode »), mais j’ai la flemme… En plus, à l’ére de la mode licolétholocordelette, expliquer l’usage du mors ressemble fort à une miction contre le vent!
Il faut juste comprendre que le mors est un amplificateur des doigts sur l’organe du cheval le plus sensible auquel ait accès le cavalier, la langue, et que s’en priver a autant de sens que se passer d’assiette en montant en suspension, et en mésuser peut conduire rapidement à la barbarie.
En revanche, je vais développer un peu la question des rênes.
Si le mors peut être considéré comme « l’objet transitionnel indirect », les rênes sont sans aucun doute « l’objet transitionnel direct » (là, je viens de perdre dix lecteurs qui sont partis tout droit sur « l’appli Bien-être du cheval »…) dont les caractéristiques techniques sont condition sine qua non de l’utilisation de la cession de mâchoire.
La longueur tout d’abord.
Une conséquence physiologique quasi systématique de la cession de mâchoire, surtout chez le jeune cheval, est la demande d’extension d’encolure (expliquer pourquoi serait trop long ici), demande que le cavalier doit s’empresser d’accepter sous peine de contrarier considérablement le cheval. Si on passe sur la réaction fréquente du style « arrête de baisser la tète, sale bête! », le cavalier dans l’acceptation doit pouvoir laisser filer les rênes jusqu’à ce que le cheval ait le nez au sol, sans perdre lui même la position où ses mains sont à sa ceinture et ses coudes derrière ses hanches. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que les rênes courantes d’1.30m vont vite amener le cavalier à la position « mémé pousse son déambulateur » (attitude habituelle de 90% des cavaliers en école d’équitation aujourd’hui, d’une efficacité si douteuse qu’elle a conduit de grands intellectuels à inventer tout un tas d’enrênement délirants -rênes allemandes, gogue, martingales, etc- alors qu’il suffisait d’un peu de finesse et de matériel juste…), qui est aux doigts ce que la suspension est à l’assiette et « le cul dans la brouette » aux jambes.
Ce n’est qu’en conservant la position que le cavalier pourra laisser passer le postérieur sous sa hanche et faire associer cession de mâchoire et équitation par le cheval.
La texture ensuite.
Comme pour les enrênements et les mors, l’imagination est sans limite… Cuir, plastique, caoutchouc, sangle, corde. Il a même existé des rênes rigides en bois… (« Massacre à la scie égoïne 2, Le Retour »!).
Ici encore, restons simple et concret: la convergence sensitive entre la pulpe des doigts et la langue du cheval sera obtenue avec des rênes en cuir à tannage végétal suifé coupées dans la partie échine d’un demi-dosset avec le porte-mors vers la culée et la main vers le collet, les tranches formées, abat-carrées et gommées. L
‘épaisseur sera de 4,5 mm, la largeur de 14 à 16 mm, et la longueur de 10cm de plus que la taille au garrot.
Avec un cavalier attentif et respectueux, une paire de rênes dure la vie du cheval qu’elle accompagne.
Même en randonnée ou en endurance, elle seront rangées soigneusement de manière à ne pas se torsader.
Entretenues correctement, elles conserveront leur qualité tactile même détrempées.

Le cavalier qui souhaite comprendre le pourquoi des choses remarquera quand même que les maîtres passés et actuels sont aussi discrets sur ce sujet que sur celui de la selle. Ici comme là, il est peut-être difficile de reconnaitre sa théorie et sa pratique inféodées à du matériel qu’on n’a pas pensé et fabriqué.

Voir un cheval ouvrir la bouche quand on est à côté est très facile.
Sur son dos, c’est un peu plus délicat !
Tant que les cessions sont erratiques ou interrogatives de la part du cheval, elles sont précédées d’une déglutition du mors, c’est-à-dire que le cheval remonte le mors avec sa langue, ce faisant, écarte les montants de bride de ses joues, avale sa salive et relâche le mors, avec retour des montants contre les joues.
Soit dit en passant, associer salivation abondante, voire dégoulinante, et décontraction est un non-sens absolu, dont je me demande comment il a bien pu germer dans l’esprit dément d’un cavalier… Comme chez l’humain, et chacun peut en faire l’expérience, c’est le contact, la pression, l’appui, donc le contraire du relâchement et de la décontraction, d’un objet solide sur les glandes salivaires -dents, palais, mors, aliment, etc- qui les stimule.
J’ai vu des chevaux « emmuserollés » saliver et grincer des dents en même temps! Pour la décontraction, on repassera demain…
A contrario, si le cheval de voyage, être décontracté par excellence, salivait en conséquence, sa trace ressemblerait à celle d’un gastéropode géant!
C’est ce mouvement des montants de bride que peut voir très facilement le cavalier.
A un stade plus avancé, (mais c’est anticiper pour le moment), le cavalier perçoit et reçoit la cession dans la variation de demi-tension de la rêne sur la main fixe.

La cession de mâchoire est un langage.
En tant que telle, elle est générative.
Elle est donc multiple et polysémique.
Il y a autant de relation entre la cession exprimée par le poulain et celle échangée par le cheval éduqué qu’entre la glossolalie du nourrisson et « La critique de la raison pure » de Kant lue à voix haute.
L’articulation physique est la même, mais le sens pas tout-à-fait…
Du « machouillage » inquiet du poulain à qui on met un mors pour la première fois à la caresse rythmée de la langue bouche fermée sur le mors du cheval sur 160 km qui harmonise ses flux locomoteur, métabolique et mental, il y a une certaine progression de la syntaxe…
Pour l’anecdote, regardez les mouvements de lèvres des chevaux au cinéma montés avec muserolle par des cavaliers pas toujours très fins… On les entend penser « Brute épaisse! Ecoute-moi au lieu de tirer! » depuis le fond de la salle !

 

DEMANDER LA CESSION DE MÂCHOIRE

Après cette longue digression un tantinet soporifique sur la cession de mâchoire -expliquer l’ouverture de la bouche des chevaux fait souvent bailler les cavaliers…-, passer de doigts-mains -hanches-assiette à doigt-main-hanche-assiette nous rapproche du concret (« Enfin! » doit-on se dire…).

Il est communément admis que la cession de mâchoire est demandée par vibration de la rêne.
D’emblée, on remarque qu’il s’agit d’une demande, pas d’un ordre…
Et avec un peu de jugeote, on devine que ladite rêne ne peut pas être tendue (on imagine la bouche du malheureux cheval dont une rêne vibrerait comme une corde de piano dans un concerto de Rachmaninov!). Elle doit être en « demi-tension »,  sur une longueur variable à l’appréciation du cavalier relativement à la réaction du cheval.
Par exemple en étant au pas, UNE main est absolument fixe, pendant que LE petit doigt de l’autre main vibre sur la rêne pour la faire onduler, à un rythme de 3 vibrations par seconde au moment où le postérieur est engagé du côté de la main de la demande, c’est-à-dire au soutien de l’antérieur du même coté,  pendant trois foulées en le « laissant passer » sous sa hanche.
En quelque sorte, c’est comme si on tapait en morse latéralement les trois « s » qui sont tombés du même côté…

On comprend à ce stade qu’il vaut mieux avoir une selle avec une capacité de transmission suffisante pour sentir le moment de l’engagement du postérieur et ajuster la position de sa hanche en conséquence…
Sans cela, on risque de taper un drôle de charabia pour le pauvre cheval, qui pourrait bien prendre son cavalier pour un parkinsonien!

Le temps de réponse dans le jeu de la demande est rarement immédiat.
Chez un jeune cheval, cela peut être rapide. Il peut comprendre après quelques séries seulement.
Pour un cheval à la bouche blindée par des années de mains en béton, ça peut être plus long…

Il y a bien sûr d’autres façons d’appeler la cession de mâchoire que la situation élémentaire des vibrations sur une rêne au pas au soutien de l’antérieur.
Étant une harmonisation locomotion-mental-métabolisme, toute altération de l’une de ces trois fonctions peut en être l’occasion: transitions d’allures, variations d’équilibre ou de direction, changement dans la nature du terrain, stress mental, etc…
Je laisse à chacun le plaisir de la découverte.

Toute la suite découle de la capacité du cheval -qu’il apprendra à acquérir-  à conserver la cession de mâchoire, et à son transfert progressif de la main demandant vers la main fixe (« La main fixe suffit à tout » disait le mirobolant Beudant):
-rêne d’appui par rêne externe sur la main fixe,
-transitions montantes avec main fixe impulsive sur les hanches donnant la structure de l’allure,
-transitions descendantes par indication de la structure de l’allure par les hanches sur la main fixe,
-reculer par recul de la main de la cession, puis de la main fixe, sur l’avancée des hanches,
-pas compté par cadence des hanches sur la main fixe
-cadence du galop par les hanches
-alternance de deux temps et quatre temps au reculer par les hanches,
-changement de pied au galop par déstructuration-restructuration de l’allure par hanches impulsives sur fermeture de l’auriculaire de la main du galop et inversion de la main fixe,
-etc…

Le tout avec, à chaque fois, la main fixe et la maîtrise de l’engagement des postérieurs du cheval, c’est-à-dire l’impulsion, par les hanches du cavalier, via la selle.
Main fixe, cession de mâchoire, impulsion, sont un nœud borroméen qu’on ne lit et ne délie que par la selle.


Vous conviendrez que tout ceci est extrêmement simple et logique.
C’est aussi très agréable à pratiquer.

Surtout avec la selle adéquate.

 

 

CHOIX DE LA SELLE ET POSITION DU CAVALIER

 

Le choix de la selle se fait en fonction de la position du cavalier : position de base du bassin et degré de verticalité du cavalier; et de la locomotion du cheval.

Ceci est résumé dans le tableau ci-dessous :

Le nombre de croix indique l’utilisation prédominante.

RAIDS KALIFS AVANTAGE ENDURANCE LIGHT AVENIR FLASH COMETE PERFORMANCE
Garrot fin Taille S Taille S XXXX XXXX XX XX
Garrot moyen Taille M Taille M XXX XXX XXXX XXXX XXX XXX XXX
Garrot fort Taille L XX XX XXXX XXXX
Verticalité du cavalier XX XXX XXX XXXX XXXX XXXX XX XXX XXXX